Chapitre 5 : le temps intérieur
« … Notre croissance ne se fait qu’au prix d’un émondage constant de nous-mêmes. Nous possédons, au début de la vie, de vastes possibilités. Nous ne sommes limités dans notre développement que par les frontières extensibles de nos prédispositions ancestrales. Mais à chaque instant, il nous faut faire un choix. Et chaque choix plonge dans le néant plusieurs de nos virtualités. La nécessité de choisir une seule route, parmi celles qui se présentent à nous, nous prive de voir les pays auxquels les autres routes nous auraient conduits. Dans notre enfance, nous portons en nous de nombreux êtres virtuels, qui meurent un à un. Chaque vieillard est entouré du cortège de ceux qu’il aurait pu être, de toutes ses potentialités avortées. Nous sommes à la fois un fluide qui se solidifie, un trésor qui s’appauvrit, une histoire qui s’écrit, une personnalité qui se crée. Notre ascension ou notre descente dépendent de facteurs physiques, chimiques et physiologiques, de virus et de bactéries, de l’influence psychologique du milieu social, et enfin de notre volonté. Nous sommes construits à la fois par notre milieu et par nous-mêmes… »